DOUZIEME JOUR
Une palme qui classe
Où en attendant le palmarès,
le journaliste ne fait rien
mais avec beaucoup d'abnégation.
Ce matin, c'était grasse matinée. Cet aprem, sieste devant le grand prix de Monaco. Qu'il est doux de ne rien faire lorsque plus rien ne s'agite autour de vous. En bas, sur la Croisette, on repasse tous les films de la compet'. Bonne occas pour une remise à niveau ou des séances de rattrapage. Mais moi je n'ai rien a rattraper, sinon quelques heures de sommeil.
Si le temps l'avait permis je serai
descendu de ma chambre (à pied, pas question d'ascenseur) pour
aller jusqu'à la piscine et piquer une tête. Mais c'est
un temps digne d'un jour de présentation d'un film de Wenders
qui plombe le ciel cannois. Donc ce sera terrasse et farniente
jusqu'à l'heure du palmarès que je regarderai sur Canal
+ comme tout le monde.
Je n'ai pas fait de papier
« pronostic » parce que je trouve parfaitement
stupide de remiser le festival au rang d'une course hippique et
totalement idiot de se mettre à la place d'un jury qui est
souverain. J'ai des coups de coeur, bien sur. Sur les marches en
attendant la remise des prix, Laurent Weil et son oreillette fait
monter la pression. Lui, d'évidence, c'est Valse avec
Bashir pour lequel il vote.
Depuis le début du Festival, Eva Betan clame sur tous les tons
que Desplechin mérite la palme. Dans Libé,
on porte haut le film de Garrel. Les confrères étrangers
ont élu le Ceylan. Moi j'ai écris que Cantet méritait
d'être au tableau d'honneur. Il vient de quitter Cannes avec le
prix d'excellence. Belle pagaille sur la scène du palais avec
toute la cour de récré invitée par le
réalisateur à partager la distinction. Ces ados se
rendent-ils compte de la joie et l'émotion qui submerge une
bonne partie du public, y compris moi-même devant mon petit
écran ? Le film de Cantet ne changera peut-être pas la
face du monde mais il proposera à ses spectateurs, que je
souhaite nombreux lors de sa sortie en salle, une manière
morale, humaine et paritaire de mettre en scène la vie.
Je
repense à Pialat, dernier réalisateur français
en date à obtenir la Palme, levant son poing au ciel et
s'écriant « Je sais que vous ne m'aimez
pas, mais moi non plus ! ».
Ce soir en compagnie de Cantet et toute sa troupe, on a envie d'aimer
tout le monde. Sean Penn et ses petits camarades du jury ont bien
fait les choses : ce palmarès ne manque pas de classe et le
cinéma va à bonne école.
A tout
ceux qui pensaient que, faire Cannes, c'était la récré,
il apporte un démenti sévère : à Cannes,
on apprend. Et cette année, visiblement, c'était
l'intelligence qui y était enseignée.
Ce
soir je fais mes valises, on repli le tapis rouge. Comme nous en
avons convenu, Gilles Jacob et moi-même, je ferme les portes du
Palais en éteignant bien la lumière et en vérifiant
que j'ai bien fermé le gaz. Je laisse la clé dans le
pot du petit palmier de gauche, en haut des marches. Gilles Jacob la
retrouvera l'an prochain. D'ici là, je pense aller au
cinéma...