TROISIEME JOUR
Jésus serait-il revenu ?
Où le journaliste se met à couvert et fait des rencontres qui l’interrogent,
quelque part, au niveau du vécu.
Bon ça y est, il pleut. Depuis quand, j’en sais rien mais au sortir de la projo du documentaire de Daniel Leconte C’est dur d’être aimé par des cons, consacré au procès de Charlie Hebdo à propos des caricatures de Mahomet, vlan, la flotte. C’est tout de même drôle, la pluie, à Cannes : voir les gens censés se faire voir raser les murs est un petit plaisir dont je ne me lasse pas. Comme il n’y avait pas de vent d’Est trop méchant, je me suis dis que ça n’allait pas durer et j’ai eu tout juste. Dix minutes plus tard, le soleil n’était pas là mais la pluie non plus.
En me mettant à couvert (non loin du Pantiero, pour les curieux) j’ai rencontré Bob Damiano. Enfin plus exactement j’ai soigneusement évité de le rencontrer en remettant mes lunettes noires, ce qui, j’en conviens, et vu qu’il tombait des cordes était absolument idiot. Fort heureusement, Bob a rencontré d’autres personnes pour leur tenir la main et la jambe pendant un bon bout de temps.
Bob, c’est un personnage de Cannes comme je les aime (à dose homéopathique) : mégalo, mytho, parano mais pas méchant. Cet ancien animateur de radio libre a, il vous le dira lui-même si vous avez deux plombes à perdre, écrit de magnifiques scénarios qui n’ont jamais été tournés, joué dans de grands films mais à chaque fois son rôle a été coupé au montage, rencontré tout Hollywood en animant les soirées du festival de La Ciotat, a refusé les avances de Romy (Schneider of course) lorsqu’elle était en dépression…
Bob, c’est un peu comme la chambre d’hôtel dont je vous causais dans le premier post de ce blog : quelque chose de rassurant et d’un rien angoissant. Le fait de savoir qu’il est (encore ? toujours ?) là rassure et intrigue. Du coup, en attendant que la pluie s’arrête, j’ai repensé à un autre personnage récurrent de la Croisette, ou, plus exactement, de l’Esplanade Georges Pompidou, celle qui marque l’entrée du Palais. Des années durant, tous les soirs, à l’heure des marches, du tapis rouge et de Canal +, un mec se promenait dans la foule avec, au dessus de lui, une pancarte sur laquelle était écrit : " Jésus revient ". Le mec était sans doute mystique mais pas prosélyte. Il ne distribuait pas de tracts, ne prêchait pas la bonne parole. Non, rien de tout cela. Il se contentait de fendre gentiment la foule en affichant " Jésus revient "…. Et, en croisant Bob Damiano, l’incontournable, je me suis rendu compte que cela faisait plusieurs années déjà que je n’avais plus vu le mec à la pancarte. Comme je sortais du film de Leconte qui est une vraie leçon de démocratie et de laïcité, je me suis dit que sans doute Jésus était revenu et que le mec à la pancarte n’avait plus de raison, lui, de revenir sur la Croisette.
Une qui revient en force, c’est ma consoeur de France Inter Eva Bétan. Ce matin, au journal de 7H00 elle était en pâmoison pour parler du Desplechin Conte de Noël. Je vous passe le côté " je l’ai vu avant tout le monde et j’ai a-do-ré " juste pour évoquer l’homélie de la grande prêtresse radiophonique qui, en substance se résumait à " ce serait formidable si Desplechin avait la Palme il succèderait ainsi à Pialat ". Désolé Eva, je ne vois pas le rapport entre le cinéma de Pialat et celui de Desplechin. Il y a même, au niveau de mon petit vécu, une différence de taille : le cinéma de Pialat m’aura plus d’une fois bouleversé. Celui de Desplechin, m’emmerde. Ite missa es.